Vous êtes ici : Accueil > Information de votre Chambre d'Agriculture > Actualités > Rapport spécial du GIEC « Changements climatiques et terres émergées »

Rapport spécial du GIEC « Changements climatiques et terres émergées »

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

Synthèse et analyse

Le GIEC (Groupement Intergouvernemental d’Experts sur l’ évolution du Climat ( IPCC en anglais) vient de publier début août 2019un rapport spécial « Changement Climatiques et terres émergées ». Le rapport établit une série d’observations sur l’impact du changement climatique actuel et à venir -sur le système alimentaire mondial et l’utilisation des terres. Il détaille ensuite les solutions possibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des terres, associées aux systèmes alimentaires (c’est -à -dire de la production à la consommation, sans oublier les pertes par gaspillage) pour contenir le réchauffement mondial en deçà de 2 °C.

Une présentation du rapport par les membres français du GIEC aura lieu le 12 septembre à AgroParisTech.

En premier lieu, le rapport part d’un constat positif: les terres déjà exploitées à ce jour pourraient subvenir aux besoins futurs de la planète et fournir de la biomasse pour les énergies renouvelables, mais à condition que des mesures à grande échelle soient mises en œuvre.

Le rapport prouve que de nombreux leviers permettant une meilleure gestion des terres sont possibles. Ces leviers sont même indispensables pour maintenir le réchauffement mondial sous les 2°C. Les mesures d’atténuation et d’adaptation liées à la gestion des terres adressent le plus souvent des enjeux transversaux. Elles peuvent contribuer à la fois à la lutte contre le changement climatique, au maintien de la productivité pour garantir la sécurité alimentaire et fournir de multiples co-bénéfices. Par ailleurs, dans les régions du monde les plus vulnérables, toute mesure réduisant les inégalités sociales permettra d’améliorer la mise en œuvre de mesures d’atténuation et d’adaptation.

Les GIEC met en avant en priorité la question du maintien de la sécurité du système alimentaire mondial. En outre, toute mesure d’atténuation doit nécessairement prendre en compte l’impact potentiel qu’elle générerait sur une utilisation supplémentaire des terres, l’érosion des solsou la dégradation des ressources,pouvant réduire la quantité de biens alimentaires produits à l’échelle mondiale.

L’élevage n’est pas spécifiquement pointé du doigt, car ses co-bénéfices locaux semblent être reconnus. Néanmoins, le GIEC reste très vigilant sur les systèmes d’élevage à promouvoir :ils doivent être résilients, durables et à faibles émissions de GES.

Une diversification des régimes alimentaires est néanmoins nécessaire. L’utilisation de la biomasse pour décarbonner l’énergie est indiquée comme étant une solution d’atténuation pertinente. Mais, là encore, certaines conditions doivent être associées à son développement pour éviter tout impact néfaste sur la sécurité alimentaire ou l’environnement.Le rapport de synthèse est à télécharger (en anglais) sur le site du GIEC (IPCC) à cette adresse : www.ipcc.ch/srccl

Synthèse des affirmations présentées dans le rapport

A. La population, les terres et le climat dans un monde qui se réchauffe

La température moyenne annuelle a augmenté plus rapidement sur les terres émergées. La température moyenne s’est accrue de 1,53°C depuis 1900, tandis que la température mondiale (incluant les océans) s’est accrue de 0,87°C.

Cette augmentation de température se traduit par un accroissement de la fréquence des événements extrêmes tels que les vagues de chaleur ou les fortes précipitations, ayant un impact néfaste sur les productions agricoles.

Les émissions de GES issues du secteur des terres représentent 23% des émissions liées aux activités humaines (12 Gt CO2eq/an, dont 6,2 GtCO2 eq par l’agriculture).

Parallèlement les terres stockent chaque année l’équivalent de 29% des émissions totales de GES.

. Les émissions de GES issues de l’agriculture et du changement d’affectation des terres qu’elle occasionne dans certaines régions (déforestation) vont encore s’accroître au niveau mondial, du fait de l’augmentation de la population, de leurs revenus et des changements des modes de consommation alimentaire. Environ un quart des sols (non gelés) est sujet à la dégradation, notamment par l’érosion des sols liée aux pratiques agricoles. Cette dégradation s’accentuera à cause du changement climatique.

. Le maintien de la sécurité alimentaire sera de plus en plus problématique dans un contexte de changement climatique, en particulier dans les zones tropicales, en raison de la baisse des rendements et des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement.

. L’expansion urbaine risque d’aggraver les risques d’insécurité alimentaire, en réduisant les terres cultivées et donc la production agricole. Des stratégies de maintien des productions agricoles en zone périurbaine, ainsi que des solutions d’agriculture urbaine peuvent réduire ce risque.

B. Les leviers d’actions d’atténuation et d’adaptation

La plupart des leviers d’adaptation ou d’atténuation identifiés sur les terres sont efficace à la fois pour réduire la désertification, l’érosion des sols et améliorer la sécurité alimentaire.

L’augmentation de la productivité, la réduction du gaspillage alimentaire et une modification des régimes alimentaires sont des mesures efficaces pour le climat tout en réduisant la consommation des terres.

Le potentiel de réduction de GES à l’échelle mondiale associé à la généralisation de leviers agricoles favorables (gestion des sols, agro-écologie, optimisation de la fertilisation, gestion des prairies, amélioration variétales, agro-foresterie, etc.) est estimé entre 2,3 et 9,6 Gt CO2eq/an en 2050.

. Une modification des régimes alimentaires, riches en aliments d’origine végétaux, comprenant aussi des aliments d’origine animale produits par des systèmes durables et peu émetteurs de GES, permettrait de libérer plusieurs millions de km² de terres et auraient un potentiel de réduction de GES estimé entre 0,7 à 8 GtCO2eq/an en 2050.

. Un tiers des aliments produits sont gaspillés ou perdus. Le gaspillage est responsable de 8 à 10% des émissions de GES mondiales. La réduction de ces pertes permettrait à la fois de réduire les émissions de GES, d’améliorer la sécurité alimentaire et de libérer plusieurs millions de km² de terres.

. Le développement des bioénergies constitue un levier efficace pour réduire les émissions de GES. Néanmoins, elles doivent être mises en œuvre de manière durable et selon les besoins locaux éviter tout impact néfaste sur l’adaptation, la désertification, et la sécurité alimentaire. Si les meilleures pratiques sont mises en œuvre, les bioénergies peuvent générer des co-bénéfices sur la biodiversité, le stockage de carbone dans les sols, les réductions de phytosanitaires.

. L’irrigation est une solution d’adaptation, d’atténuation et de réduction de la désertification. Néanmoins, elle peut causer des effets environnementaux néfastes (salinisation, épuisement des nappes) si la ressource en eau est sur-consommée. Une synthèse de l’efficacité des leviers d’atténuation simulés par le GIEC est téléchargeable ici : www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/11/pr_181008_P48_spm_fr.pdf.

C. Mise en œuvre des leviers d’action

Une large gamme de mesures politiques prises simultanément, sur l’ensemble du système alimentaire, seront plus efficaces pour la lutte contre le changement climatique.

Les pratiques de gestion durable des terres peuvent être encouragées par diverses mesures comme les paiements pour services environnementaux, des mesures foncières, la prise en compte des coûts environnementaux dans le prix des produits alimentaires, des mécanismes assurantiels, etc.

Les politiques qui ne portent pas sur les terres et l’énergie, mais sur les transports et l’environnement, par exemple, peuvent contribuer elles aussi très sensiblement à la lutte contre le changement climatique. Il existe encore de nombreux freins à l’adoption de ces mesures. La reconnaissance des co-bénéfices et des impacts négatifs associées à chaque action peut permettre d’améliorer leur mise en œuvre et éviter les choix de « mal-adaptation » par exemple. De même, la concertation locale permet de réduire certains freins.

D. Actions à court-terme

. Les actions prioritaires peuvent d’ores et déjà être mises en œuvre pour réduire la désertification, l’érosion des sols et la sécurité alimentaire, tout en impulsant la mise en œuvre d’actions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique (transfert de connaissances, conseil agricole, outils de monitoring, nouveaux mécanismes financiers, systèmes d’alerte précoces, gestion des risques, et réduire les freins à la mise en œuvre des actions).

. Néanmoins, les actions de lutte contre le changement climatique doivent être mises en œuvre le plus rapidement possible. Tout retard réduira leur efficacité, génèrera des impacts irréversibles sur les écosystèmes, et mettra en péril la productivité alimentaire, surtout dans les régions les plus sensibles au changement climatique, ce qui augmentera les risques d’insécurité pour les populations.